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20 juin 2009

Commentaires

Léon Hamain

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Cher Bruno

Polémiquer n’est plus de mise.

Je ne t’apprendrai pas que lorsqu’on dit ce que l’on pense il faut s’attendre à des réponses qui sont plus ou moins des jugements ou parfois des attaques sur votre personne. On peut ainsi vous présenter comme « intellectuel » ou « orgueilleux » voire même « suppôt de Satan », et j’en passe. Cela fait partie des risques que l’on court souvent lorsqu’on s’exprime avec franchise. Il me paraît cependant toujours nécessaire de se laisser interpeller en ce cas, si l’on cherche à être vrai. Je ne suis pas parfait, loin de là, et je donne souvent aux autres une image de moi-même différente de la façon dont je me perçois. Tout message reçu quel qu’il soit invite donc à réfléchir sur sa vérité.

Il m’arrive ainsi souvent d’être traité d’ « intellectuel ». C’est vrai que je le suis dans les matières que l’Eglise, par ordre précis de mon évêque d’alors, m’a demandé d’étudier sérieusement pour le service pastoral de l’intelligence. « Enseigner » est un aspect de la prédication, qui est elle-même considérée officiellement comme la première des trois grandes missions du ministère presbytéral. Cela dit, le fait d’avoir étudié et acquis une compétence dans un domaine de connaissances ne vous donne aucune supériorité dans l’ordre de la foi ou de l’agir chrétien, de la « foi qui agit par l’amour », comme saint Paul définit la vie chrétienne. Être croyant en Jésus est une attitude profonde du cœur qui, sous l’action de l’Esprit Saint, essaye d’accueillir comme un pauvre la rencontre du Christ qui nous sauve. Attitude du cœur qui nous conduit à suivre Jésus selon notre conscience engagée en l’imitant dans son OUI au Père et le service gratuit de nos frères et soeurs. Cette attitude de foi demande à être nourrie de la Parole reçue (la Bible relue en Eglise) et de l’eucharistie partagée dans la communauté chrétienne rassemblée, communauté dont nous avons reçu le don de rencontrer Jésus. S’il est vrai que l’on doit essayer de « rendre compte aux autres » des raisons pour lesquelles l’on croit en Jésus dans une vie engagée à sa suite, ce n’est pas une affaire de compétence intellectuelle, mais de conscience, de droiture et d’expérience que tout croyant sincère peut vivre en vérité, même s’il n’a pas fait d’études théologiques. D’où l’importance de toujours nous remettre en question face à Jésus, de nous interroger sur la qualité de ce que nous vivons. D’où l’importance également de recevoir l’expérience et le témoignage des uns et des autres et de partager fraternellement ce que nous essayons de vivre dans nos situations quotidiennes en tous domaines au coeur du monde. Dans une telle perspective, la formation intellectuelle chrétienne ou théologique que nous avons reçue quand c’est le cas doit nous avoir préparés à toujours apprendre et redécouvrir le message du Christ et son unique vérité qui ne nous appartiennent pas et dont nous n’avons jamais à nous prévaloir.

Personnellement, j’essaye de ne jamais porter de jugement sur aucune personne, selon la Parole de Jésus qui nous demande de ne pas juger. Aussi quand, en conscience, je critique des politiques , des comportements ou des attitudes de telle ou telle personne en responsabilité ou de telle ou telle structure en Eglise, je ne critique que ce que je perçois ou découvre, sans pour le moins du monde mettre en cause la conscience , la liberté ou la sainteté de la personne en question, dont je suppose toujours a priori qu’elle agit et se comporte de bonne foi, selon ce qu’elle pense être la vérité. En effet Dieu seul sonde les cœurs de tous, et lui seul peut dire ceux en qui sa propre sainteté triomphe au delà de toutes les apparences et prises de position. Mais selon notre humanité et le fonctionnement de nos relations humaines (que Dieu lui-même est venu vivre en Jésus en qui il s’est vraiment « incarné » dans l’histoire et les limites de notre condition humaine, selon notre foi,) le débat et le dialogue sont toujours nécessaires pour mieux cerner la vérité objective de ce que c’est qu’être chrétien ou de vivre en communauté d’Eglise, ce que d’ailleurs les textes les plus officiels de l’Eglise (à savoir le droit canonique lui-même) nous demandent de faire.

Ce que j’ai tenté de dire dans mes réactions exprimées précédemment sur ton blog, ami Bruno, ou sur mon journal personnel, ce sont les problèmes de conscience que me posent en profondeur certains développements que je constate dans notre Eglise depuis quelques années. Ces questions ne me quittent plus, m’invitent à me situer personnellement en vérité face au Seigneur, et je dois dire que je ne sais pas à quelles conclusions je serai on jour conduit, même si, comme je le répète, je respecte les choix différents, voire même opposés, que font d’autres chrétiens dans leur manière de traduire visiblement leur foi dans leur vie personnelle ou leur fonctionnement dans des groupes et communautés ecclésiales. Je leur souhaite de suivre Jésus Christ comme ils le perçoivent en vérité, je souhaite qu’ils soient sincères, s’interrogent et répondent selon leur conscience tout en respectant la différence de certains dont je suis.

Vu ce qu’a été mon parcours théologique, œcuménique et pastoral, ce que je constate aujourd’hui est pour moi une souffrance réelle, que je sais ne pas être le seul à éprouver. Je ne prétends pas avoir raison contre qui que ce soit, ni être dépositaire d’une vérité supérieure, mais il s’agit pour moi d’une humble recherche d’authenticité à laquelle je ne puis me soustraire sans pour moi trahir mon expérience de croyant.

Cela écrit, je ne répondrai pas davantage personnellement à aucun commentaire que je pourrais recevoir sur ce que j’écris, tout en remerciant ceux qui se manifestent ainsi pour ou contre mes positions et dont j’accueille le message. Je n’entrerai dans aucune polémique, mais je continuerai, de façon ou d’une autre, de dire ce que je pense. Sans plus. Merci de m‘avoir lu.
LH.


Jean-Luc de Bretagne

Je ne connais pas Léon Hamain (j'aimerais pourtant bien faire sa connaissance !)mais son commentaire me remplit de joie ! Il exprime avec beaucoup de clarté et de simplicité ce que je ressent... et que j'aurais voulu être capable d'exprimer aussi bien ! Un grand MERCI à toi Léon...

annemarie

j'ai côtoyé
un prêtre en humanité du prado
non un prêtre imbu de sa charge
non un prêtre simple
qui vit avec son temps
non il ne porte pas le col romain
non il ne porte pas de chasuble noire
oui il porte une petite croix au revers de sa veste
on le croise dans la rue
il a toujours le sourire
il porte une casquette
a la manière des marins
"il doit communiquer avec
DIEU
qui doit lui dire
avance au large
il ne fait pas de différence
il a travaillé pendant
20ans avec des ouvriers
il a vécu l'évangile
au cœur même de la vie des hommes
si j'avais un message a faire passer a l'actuel pape
je lui dirai
malgré les ors du Vatican
vous êtes simplement
un frère en humanité
un ouvrier du christ
donnez plus de champ
aux prêtres ouvriers
l'évangile se vit avec ceux qui travaillent
ceux qui en vivent
l'évangile c'est le bois brut de l'humanité
tout simplement

Bruno Thuriblet

Père, vous avez bien-entendu le droit de penser différemment que les autres... mais ce qui me choque le plus dans vos propos est que vous cherchez à tout intellectualiser, alors que la foi comporte sa part de sentiments (Cf - Gaudium spes) ; Par ailleurs, je perçois chez vous un certain "orgueil" (excusez-moi si je vous vexe, là n'est pas mon intention !) car vous faîtes celui qui "sait" (vous nous rappelez en effet vos etudes universitaires et vos frequentions d'avec certains theologiens !) ; les gens du peuple, dont je fais partie n'ont-ils pas le droit de prier avec un peu de beau et de sacré ?

Pour finir, je vous livre simplement un témoignage... Mon grand-père, Hubert, a été déporté à Dachau en 39-45. Dans l'horreur des camps, il a su gardé sa foi, il a su prier avec d'autres quand bien même ils ne se comprennaient pas. Tous les soirs, ils chantaient le Salve regina ensemble dans les baraquements. Mon grand-pere n'a jamais supporté que l'on touche au latin à cause de son experience dans les camps ; il a souffert toute sa vie qu'on lui interdise de prier ainsi. Il n'a même pas eu le droit au Salve Regina lors de sa sépulture. Dieu aurait-il détourné son regard de lui s'il avait continué à prier ainsi ?

Je vous laisse en vous promettant de prier pour vous (je suis sûr que vous priez déjà pour moi et je vous en remercie).

Cordialement

Bruno, 25 ans

Hélène

Merci Léon de cette intervention mesurée, profonde, ouverte et respectueuse...Cela fait du bien !
En lisant dernièrement le blog de Bruno,les commentaires acides et lapidaires de certaines personnes me faisaient vraiment mal...
Mes connaissances bibliques sont un peu "courtes" mais n'y a-t-il pas un texte dans la Bible où est posée la question: "Seigneur qui est le plus grand"?...J'ai parfois l'impression d'être dans une famille où les frères et sœurs se jalousent...
Je croise en ce moment beaucoup de prêtres et de laïcs qui portent à bout de bras depuis pas mal de temps des communauté paroissiales, des mouvements, des engagements auprès des personnes en deuil,ect... Je suis admirative de l'humilité et de la fidélité de ces personnes qui œuvrent souvent dans l'ombre en essayant, à la suite du Christ, d'être juste présent aux hommes et femmes de ce temps parce qu'ils sont convaincus que notre époque n'est ni pire ni mieux que d'autres époques de l'histoire humaine et que Dieu y est autant présent.
Il serait bon de s'exercer d'avantage à reconnaitre Sa présence au lieu de s'attacher à dénoncer sans mesure ce qui est "mauvais"...
Parfois, je me demande si l'on n'est pas un peu pharisiens quand le rite devient plus important que le Dieu même auquel il est sensé relier, ou premier par rapport aux personnes à qui il est sensé s'adresser, ou encore que le charisme ou la sensibilité du prêtre qui célèbre prend le pas sur ce qu'il dit de Dieu...
Ce qui importe n'est-il pas que le langage pour dire Dieu soit au service de l'annonce d'une bonne nouvelle pour les hommes et femmes d'aujourd'hui ? Il me semble juste que pour être audible par nos contemporains, ce langage ne peut pas s'appuyer sur une ecclésiologie et une théologie uniquement passéiste...
Ce qui fait mal aussi, c'est cette incapacité humaine de se conduire en frère et sœur dans le respect des sensibilités de chacun. Comment être crédible, quelle cohérence donnons-nous à voir lorsque que l'on est à l'opposé du "voyez comme ils s'aiment"?...Pourtant, quelle joie lorsque l'on arrive à construire ensemble un monde fraternel qui pour moi est reflet du royaume...
2 dernières remarques: il aurait peut être été pertinent que notre Pape offre à la méditation de cette année sacerdotale 2 ou 3 visages de prêtres aux charismes différents...Il n'en manque pas dans l'histoire de l'Eglise, même récente....
Et puis, en tant que baptisée, j'en ai un peu marre aussi parfois que ces débat souvent centrés sur le seul ministère sacerdotal occulte, voir étouffe, le développement de la triple fonction baptismale dont tout baptisé est dépositaire...
L'Esprit Saint n'est-il pas donné à tous en abondance !...

Laurence

désolée, une petite erreur dans la pensée du P. Stan Rogier : il s'agit de faire chanter (et non changer !) le torrent !

Toutes mes excuses. Je n'ai pas bien relu avant d'envoyer le message !

Laurence

"Les difficultés dans la relation sont une provocation à aimer plus fort. Ce sont les pierres qui font changer le torrent."
P. Stan Rogier

et n'oublions pas que Dieu veut nous voir accéder tous sans exception à Son Royaume. A nous d'en faciliter l'expression dans notre quotidien, chacun dans notre état de vie.

Amicalement

Léon Hamain

Cher Bruno,
Puisque tu m’as compromis en me citant dans ton texte précédent, je me sens solidaire de toi face aux incompréhensions de la plupart des commentaires. Je pense que tu es bien d’accord avec moi : Selon Vatican 2 et son grand texte sur la liberté religieuse, il ne s’agit pas d’insulter, encore moins de rejeter les styles divers de ministère presbytéral tels qu’ils existent aujourd’hui. Comme l’écrit Paul aux Philippiens, du moment que Jésus Christ est annoncé, c’est très bien. Nos amis aux idées différentes voire opposées ont droit à leur choix et leurs différences, à la condition toutefois qu’ils respectent nos choix et ne nous condamnent pas a priori sans les comprendre ou les connaître en profondeur.

Critiquer des décisions et orientations du Pape ou de tel ou tel évêque ne doit pas être considéré ni comme une insulte ni comme un manque de respect : ce n’est pas la personne qui est en cause. Benoît 16 est un très grand Monsieur, grand universitaire et professeur renommé. Ses encycliques sur la charité et l’espérance sont remarquables, comme le fut sa conférence aux Bernardins. Il n’empêche que pour de très sérieux motifs de conscience liés à mes études anciennes et récentes de théologie, je ne puis accepter qu’il ne présente qu’un seul type de prêtre, une certaine descendance du curé d’Ars. Il ferme ainsi la route à des expériences nouvelles telles que l’ordination d’hommes mariés à côté de prêtres célibataires dont le célibat est une authentique vocation et non un poids, vocation indépendante comme telle de l’appel au ministère mais vécue en synthèse avec celui-ci quand vous y êtes appelé et ordonné par l’Eglise.

Depuis plus de 50 ans que je pratique la théologie acquise à l’université et que je suis prêtre célibataire et heureux de l’être, je suis bien placé pour sentir et mesurer certaines évolutions. Le Pape a le droit de préférer tel ou tel type de prêtre, mais il doit, vu sa responsabilité, ne pas oublier d’autres hypothèses possibles qui nous rendraient bien service aujourd’hui. J’ai vécu de près au Liban le ministère des prêtres maronites catholiques dont le Patriarche souhaite à chaque synode romain ou presque que le clergé latin puisse vivre également différentes manières d’être prêtre. D’autre part, des voix telles que celle de Timothy Radcliffe ou du Cardinal Martini méritent qu’on les entende.


Je ne suis pas allé non plus aujourd’hui à l’ordination de mes jeunes confrères, non pas à cause d’eux, ni de leurs options personnelles que je connais pas, mais à cause de la façon guindée dont les célébrations en rite de Paul 6 se déroulent de plus en plus de façon figée, « ritualiste », raide et sans dynamisme chez nous, ce qui n’est pas le cas à Notre Dame de Paris ni à Saint Gervais. Je n’admets pas qu’on dise que tes liturgies à Aire sont « fades » et quasi nulles quand on n’y a pas participé. Je pense également que les liturgies que j’anime ou préside sont aussi très belles et ont un sens du sacré (non pas passe partout selon une dimension commune à toutes les religions, et d’ailleurs très respectable, mais selon l’Evangile du culte en esprit et en vérité et la fin du culte du Temple depuis la mort et la résurrection de Jésus) sens du sacré que je n’ai jamais connu dans la liturgie tridentine que j’ai vécue autrefois. Je respecte cette tradition, mais suite à mes études sur l’eucharistie avec les plus grands spécialistes, aux accords oecuméniques en la matière, il m’est désormais impossible en conscience de célébrer dos au peuple, en latin non compris par le peuple, et comme image proche du prêtre « sacerdote » à la façon juive tourné vers l’orient… Je ne dis pas pour autant que la liturgie tridentine n’a pas autant de valeur en validité et en grâce de Dieu accordée, mais ce qui est signifié par la célébration, les postures et les gestes, prend un tout autre sens en théologie des sacrements. Je me rappelle avec quel enthousiasme nous avons accueilli dans les années 60 la liturgie eucharistique de Paul 6! Quel soulagement ! J’ai connu à l’époque de mes premières années de ministère beaucoup plus de célébrations en rite tridentin préconciliaire galvaudées et affreusement célébrées que j’ai constaté d’abus – même s’il y en a eu et en a encore – dans la liturgie de Paul 6. Je pense également que c’est une attitude « objectivement » malhonnête que de prétendre que Paul 6 ne voulait pas que disparaisse la liturgie tridentine. Ses affirmations sur ce point sont parfaitement claires, la preuve en est qu’il avait accordé en 1971 un indult autorisant que son maintien puisse être accordé par les évêques pour les seuls prêtres âgés qui célébraient sans peuple.

A la suite des textes de Vatican Sur l’Eglise, la place des laïcs en son sein, l’ouverture aux questions du monde, le dynamisme des études bibliques, la rôle de l’Esprit Saint et la liberté religieuse, il ne peut plus ne pas avoir de débat dans l’Eglise, et dans la mesure où il y a des politiques de fait accompli, comme dans le cas de Mgr Lefebvre et de la levée des excommunications, même opérée avec les sentiments unitaires compréhensibles, je ne puis pas ne pas parler de « fondamentalisme » de l’autorité pontificale dans son fonctionnement qui dépasse de loin ce que les textes de Vatican 1 avaient défini dans les années 70 du 19ème siècle. Ayant été 30 ans – beaucoup trop – vicaire épiscopal de trois évêques, j’ai pu voir fondre le pouvoir réel des évêques depuis au moins 15 ans, alors que Vatican 2 leur a reconnu une dimension sacramentelle nouvelle et unique de responsables authentiques et réels d’Eglises locales en communion avec l’évêque de Rome…

Dans toutes les positions que je prends aujourd’hui, tout en respectant celles des autres, je me sens toujours en harmonie totale avec les grands théologiens conciliaires que furent Yves Congar, Edouard Schillebeeckx, Hervé Legrand, Louis-Marie Chauvet, Jean Tillard (qu’on relise son grand livre sur « l’évêque de Rome », sans oublier les Jacques Dupuis, Albert Vanhoye etc… Mais même si les courants actuels dominants semblent différents au niveau des autorités, je maintiens mon droit à dire ce que je pense et à ne pas être traité automatiquement de mauvais prêtre ou de mauvais chrétien ou de mauvais liturge, si je ne puis me rallier à des nouveautés dont certaines me paraissent antérieures à certaines positions de Pie 12 bien avant le dernier concile.

Bien à toi. Courage, frère, et que ceux qui croient en Jésus Christ vivent leur fidélité à leur manière dans le respect de leur propre conscience et de celle des autres.
LH

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