L’Église est pleine ce matin dans le bourg central d’une paroisse rurale de 34 communes. Un millier de personnes, recueillies, émues, inquiètes. Elles enterrent leur curé.
La célébration évoque le rayonnement de ce prêtre, sa présence, ses conseils, son dévouement. Les groupes de catéchèse, les mouvements d’Action catholique, les maires, les animatrices, les jeunes, les personnes âgées se succèdent pour témoigner de la richesse de son ministère. Au lendemain de la clôture de l’Année Sacerdotale, cela pourrait chanter la grandeur et la beauté du ministère du prêtre.
Seulement il y a un hic. Et il est de taille. Et tout le monde le sait. Ce prêtre de 63 ans s’est pendu.
Comme dans tout suicide, des difficultés personnelles de santé suffisent à expliquer ce geste d’un homme d’ordinaire si gai et nullement dépressif. Prions pour lui : Dieu saura bien reconnaître la vérité de cette vie et comprendre notre fragilité.
Demeurent pourtant des questions que nous ne pouvons pas demander à Dieu de résoudre. Plusieurs fois ce prêtre avait dénoncé l’impossibilité de continuer une politique pastorale sans vraie perspective. Il n’y a pas si longtemps on lui avait demandé de quitter une paroisse où il avait déjà montré toute sa mesure : il m’avait dit sa peur de voir tout s’effondrer derrière lui. Exprimant son appel au secours, il me mettait en garde : si rien n’est fait nous serons plusieurs à craquer ! Je n’imaginais pas le contenu concret de cette menace.
Ce serait faire injure à ce cri que de le couvrir simplement de notre compassion fraternelle. Comme beaucoup d’évêques, je ressens la difficulté de trouver les réponses plus institutionnelles. Je sais que beaucoup d’évêques portent dans leur affection le drame de ces prêtres et en partagent la souffrance. J’en connais quelques uns qui cherchent à ouvrir des voies pour que le travail de tant de pasteurs admirables ne se perde dans les sables. La Conférence des Évêques de France étudie quelques points précis pour aider l’espérance de ces prêtres.
Je voudrais dire ici qu’on aimerait recevoir d’en haut autre chose que des invitations spirituelles, par ailleurs fort utiles. Y a-t-il quelqu’un pour donner une vraie orientation à cette Église qui s’essouffle ? Lorsque le Concile avait mobilisé l’Église pour partager avec le monde la Bonne Nouvelle de Jésus, l’enthousiasme s’était levé.
Rome affirme que rien ne changera, que la théologie a montré la perfection de l’Église d’hier, que nos difficultés viennent de nos propres innovations. On encourage tous les nostalgiques d’hier. Dans les diocèses, comment relever ce défi quand Rome paralyse toute réponse un peu audacieuse. Les évêques comme les curés savent que leurs initiatives auraient besoin d’être soutenues par la confiance de l’Église.
Le Concile a affirmé la responsabilité collégiale des évêques. Frères évêques, notre attachement légitime à la communion que préside le successeur de Pierre ne demande pas notre silence obéissant. Il ne nous retire pas cette responsabilité de conduire nos églises particulières mais aussi l’Église Universelle selon les exigences de la mission.
On ne peut se contenter de colmater les brèches en espérant un miracle. Il ne suffit pas de sombrer, capitaine courageux, dans l’obéissance et avec les félicitations de l’amirauté. Nous ne commandons pas le Titanic mais la barque du Christ. L’Esprit Saint ne nous a pas été donné pour que nous attendions des ordres qui ne viennent pas. Combien de suicides faudra-t-il pour que quelqu’un saisisse le gouvernail ?
Merci à Mgr Noyer de poser de véritables questions...
Mais faut-il que nos évêques soient "retraités" pour oser d'avantage une parole? ...Où ceux qui osent une parole sont-ils une génération " Vatican II" que nous avons peur de voir s'éteindre, nous, petits laïcs, baptisés de seconde zone parfois pour certains ministres, (et alors femme, en plus, je ne vous dis pas, l'Esprit Saint qui souffle sur nos têtes serait-il un Esprit Saint "au rabais" !!!)?
Il y a aujourd'hui, en même temps que de grands besoins et de jolies choses qui émergent, une sorte de volonté de verrouiller tout souffle nouveau, un manque de confiance en l'Esprit évident, un repli identitaire pour affirmer une autorité qui part en lambris, une auto suffisance qui frise le ridicule et aux quelles l'Église institutionnelle s'accroche presque pitoyablement comme pour se convaincre qu'elle est vivante...
J'aime l'Église que le Christ appelle à devenir son corps et je souffre de tous ces déchirements et de ces choix d'un autre âge qui restent plus dans une pastorale d'encadrement que d'engendrement...
Combien de témoins sacrifiés à cause des aveuglements de l'institution?...
Jusqu'où cela ira-t-il avant qu'un discernement en vérité puisse peu à peu travailler les cœurs dans des partenariats fraternels dignes de ce nom ?...
Rédigé par : Hélène | 29 juin 2010 à 00:26
je partage à 100% l'avis de Mgr Noyer. Si les audaces sont freinées par une institution romaine trop canonique et vieillissante, comment donner aux plus jeunes générations le goût de Dieu ? Comment être appelant quand on a en face de nous des ministres, des laïcs engagés à bout de souffle, en quête de repères, en attente d'un soutien officiel... Bientôt un prêtre quittera notre doyenné pour un autre... Il n'est, pour l'heure, pas remplacé. Le constat est saisissant... Un seul prêtre encore officiellement en activté pour tout le doyenné. Qui plus est doyen à la santé plus que fragile. Heureusement que des confrères, un peu plus âgés, donnent un coup de main plus qu'efficace ! Certes, nous ne sommes plus en capacité de combler les trous... Et si l'on nommait des équipes à la tête des doyennés, composées de prêtres ET de laïcs, si on permettait aux Animateurs Laïcs en Pastorale de tenir toute leur place de le dispositif paroissial.. Alors on aurait un plus grande coordination, conertation, les personnes se sentiraient moins isolées dans leurs responsablilités respectives et l'on vivrait sans doute un peu plus la communion... une communion qui serait sans aucun doute appelante.
Rédigé par : SEBASTIEN | 28 juin 2010 à 14:45