Le départ brutal de Jean-Pierre a remué les reins et les cœurs. « Bruno, la maison est ouverte, tu viens quand tu veux », cette phrase plusieurs fois me fut adressée depuis une semaine, et cela touche beaucoup.
Le départ de Jean-Pierre ne fait que mettre en évidence l’impossibilité pour notre évêque de pourvoir au manque de prêtres. Quand un supérieur interpelle un copain pour un changement de poste par le biais du téléphone, sans trouver le moyen de se déplacer pour venir le solliciter de vive voix, on se dit que quelque chose ne tourne pas bien rond.
Le départ de Jean-Pierre laisse beaucoup d’entre-nous dans l’expectative, un frère prêtre démissionne affolé par la tâche qui lui incombe avec le départ programmé de son plus proche confrère qui ne sera pas remplacé, la déprime est là au rendez-vous, un autre implore un changement ayant le sentiment d'être seul sur une bien frêle embarcation au milieu de l'océan, d'autres sont dans l'amertume et le ressentiment…
Qui se sent vraiment associé aux prises de décisions ? Le bateau prend l’eau et le carré des officiers reste muet pendant que les hommes de bord et les moussaillons s’affolent sans avoir la possibilité de participer aux décisions.
« La collégialité » c’est pour les évêques,me suis-je un jour entendu apostrophé. Et la coresponsabilité ?
Une seule chose pourra nous permettre de traverser la crise sans trop de casse : la fraternité. La fraternité entre chrétiens, la fraternité avec tous les hommes et les femmes de bonne volonté, la fraternité entre prêtres et diacres et religieuses, la fraternité avec notre évêque. Quand la pauvreté n’est pas ouverture sur le partage elle devient misère. Nous acceptons de vivre une Eglise « servante et pauvre» à la seule condition que l’on ne nous laisse pas croupir dans la misère. Dans le chapître 15 de saint Luc, le jeune frère qui connaît la famine, alors que la farine du caroubier était à sa portée, n’attend qu’une seule chose « c’est que quelqu’un lui donne à manger » … il trouva un père pour lui offrir le veau gras, nous ne réclamons pas le veau gras, nous souhaitons simplement rencontrer un père qui écoute et relève, un père qui loin de nous considérer comme ses ouvriers nous associe en tant que fils à la conduite de l’entreprise, oui nous ne serons heureux que si la fraternité nous fait grandir…
Oui Bruno, merci de dire encore et encore cette vérité si simple et qui pourtant parait bien peu accessible en Église aujourd'hui...
Engagée comme de nombreux laïcs depuis quelques années déjà, je suis souvent bien triste et j'apprends de plus en plus à souffrir en silence de voir notre Église manquer à ce point de l'essentiel: un faire communauté fraternel dans le service des uns et des autres au nom du Christ que nous disons suivre...On se soucie déjà bien peu des états d'âme des prêtres alors ceux d'un laïc!... et femme de surcroit!!!
Une hiérarchie trop pesante ou pas assez à l'écoute "des bruits du monde"...Des prêtres à qui il est imposé une structure ecclésiale inhumaine...Des hommes et des femmes, laïcs ou clercs trop remplis de pouvoir et qui finissent par se prendre pour "Dieu le Père" au point de casser leurs frères et sœurs en Christ...
Et personnellement, j'ai à présent l'impression que la responsabilité accroit encore ces sentiments de difficulté et de solitude...
Alors, de plus en plus, je me prends à contempler dans le silence de ma prière, de manière très "pradosienne", la crèche, la croix, le tabernacle... C'est en quelque sorte la source inaugurale qui me donne l'espoir et l'énergie de croire et d'agir humblement et en vérité avec les hommes et femmes de bonne volonté pour que cette fraternité soit effective...
Oui, pour que notre Église présente une cohérence en paroles et en acte, vivre la communauté fraternelle est bien un enjeu majeur ...
Rédigé par : Hélène | 16 juin 2010 à 22:09